On y arrive doucement mais sûrement, 4.3 millions de vapoteurs recencés. Plus de 4 millions de personnes qui ont arrêté de se rendre au bureau de tabac, complètement ou beaucoup moins souvent. On devrait s'en féliciter, le Comité de Lutte National contre le Tabagisme devrait être heureux. Le gouvernement pourrait fanfaronner en disant oui, oui, le paquet neutre et l'augmentation drastique des clopes a eu un bel effet. En route vers une meilleure santé et les économies pour la sécurité sociale à la clé !
Oui, oui. Ca c'est le monde de Oui-Oui. Malheureusement, la logique politicienne échappe souvent à la logique humaine. Le gouvernement, de ces constats, a décidé de nous dresser un autre portrait de la situation, froid, injuste, cynique et rétrograde. Et ce dernier est explicite dans l'article 23 du projet de loi de finances 2026.
Imaginez-vous, demain vapoteur. Vous cherchez votre e-liquide préféré, celui qui vous a permis d'arrêter le tabac. Mais votre boutique habituelle a fermé car on l'aura contrainte à se transformer en agent de l'état récolteur d'accises, elle n'a pas pu tenir le choc des obligations règlementaires. Les sites internet que vous fréquentiez ? Tous disparus, ils ont été purement interdits. Votre e-liquide préféré? il n'existe plus, le fabricant a croulé sous les transformations obligatoires, son nouvel entrepot en mode douanier et les provisions d'argent demandées pour pouvoir maintenir son activité. De toutes façons, ses clients ferment leur portes au fur et à mesure...
Il ne vous reste plus qu'une option : aller chez le buraliste du coin, là où vous achetiez vos cigarettes avant. Et payer votre flacon de 10ml non plus 5,90€ mais 9,50€, made in Big Tobacco. Bienvenue dans le monde que nous prépare le gouvernement Lecornu II avec son article 23 du Projet de Loi de Finances 2026.
"Welcome to the future, and the future is now" se souviendront les vieux vapoteurs. Sauf que ce sombre tableau, perso je l'estime à 2027/2028. Si ça passe... C'est maintenant qu'on va devoir agir !
L'article 23 du PLF 2026 : la trahison déguisée en santé publique
Le 14 octobre 2025, le gouvernement a dévoilé son Projet de Loi de Finances pour 2026. Enfoui dans les centaines de pages du texte, l'article 23 redéfinit complètement le statut juridique de la cigarette électronique en France. Sous couvert d'harmonisation européenne et de protection de la santé publique, ce texte orchestre en réalité le démantèlement méthodique d'une filière indépendante qui compte 4,3 millions d'utilisateurs et fait vivre 20 000 personnes.
La taxe vape annoncée semble presque modeste : 3 centimes par millilitre pour les liquides contenant jusqu'à 15mg de nicotine, 5 centimes au-delà. Sur le papier, votre flacon de 10ml augmenterait de 30 à 50 centimes. Mais c'est là que commence la manipulation. Car cette taxe n'est pas calculée seule. Elle s'intègre dans le prix hors taxe avant que la TVA de 20% ne s'applique. Résultat réel : une augmentation de 36 à 60 centimes par flacon, soit entre 6% et 10% de hausse immédiate.
Et ce n'est rien comparé à ce qui nous attend. L'exposé des motifs du projet de loi le dit explicitement : cette taxation française n'est qu'une étape préparatoire à la directive européenne de 2028 qui prévoit des taxes de 12 à 36 centimes par millilitre. Faites le calcul : votre flacon à 5,90€ aujourd'hui pourrait coûter entre 8€ et 12€ dans trois ans. C'est une augmentation programmée de 300% à 600% des taxes. Le gouvernement ne taxe pas la vape pour remplir les caisses de l'État. Il prépare son exécution à petit feu.
La mort programmée de la vente en ligne
Tous les sites e-commerce de vape, sans exception, devront fermer. Les boutiques physiques qui complétaient leurs revenus avec un site internet ? Terminé. Les vapoteurs qui habitent loin d'une boutique spécialisée et commandaient en ligne ? Ils n'auront plus d'autre choix que le buraliste du coin, si celui-ci accepte de vendre des produits de vapotage.
Le texte de loi va même plus loin. Il instaure une présomption de fraude : tout colis postal ou transporté par une entreprise de fret contenant des produits de vape sera considéré comme illégal. Pas de nuance, pas d'exception. C'est la criminalisation immédiate de la vente à distance. Les 3000 emplois des pure-players du e-commerce ? Rayés d'un trait de plume. Les zones rurales qui dépendaient de la livraison pour accéder à une gamme variée de produits ? Abandonnées.
Cette interdiction de vente en ligne n'a aucune justification sanitaire. La vraie raison est ailleurs : détruire la concurrence des acteurs indépendants pour concentrer le marché entre les mains des buralistes, ce réseau historiquement lié à l'industrie du tabac et contrôlé par l'État.
L'agrément : quand l'État décide qui peut vendre
Troisième pilier de cette loi vapotage : le système d'agrément obligatoire pour les boutiques spécialisées. Pour continuer à exercer, chaque vape shop devra obtenir l'autorisation de l'administration. Les critères ? Flous au possible. Le texte parle "d'honorabilité", de "probité", de "capacité juridique" et de "formation", tous déterminés par décret en Conseil d'État. Autrement dit, le gouvernement s'octroie un pouvoir discrétionnaire total pour décider qui a le droit de vendre et qui doit fermer.
Qu'est-ce que l'honorabilité pour un commerçant qui vend des e-liquides ? Un ancien litige avec un fournisseur peut-il suffire à vous refuser l'agrément ? Quelle formation sera exigée, et à quel coût ? Personne ne le sait. Cette incertitude juridique totale place 3500 boutiques dans une précarité absolue. Elles ont investi, créé des emplois, accompagné des milliers de fumeurs vers le sevrage tabagique. Mais leur avenir dépend maintenant du bon vouloir d'un fonctionnaire qui appliquera des critères opaques.
Et même si vous obtenez cet agrément, il ne s'agit pas d'un droit acquis. Il peut être retiré à tout moment en cas de manquement réglementaire. Une erreur dans la collecte de la taxe, une vente jugée non conforme, et c'est la mort commerciale immédiate. Les boutiques de vape ne sont plus des entreprises libres, elles deviennent des entités sous tutelle administrative permanente, condamnées à vivre dans la crainte constante d'un contrôle fatal.
Les seuls qui ne connaîtront pas ces affres sont les buralistes. Eux sont déjà agréés, déjà structurés, déjà habitués aux contraintes réglementaires des produits sensibles. L'article 23 leur offre sur un plateau d'argent une part de marché considérable, celle que les boutiques indépendantes ont construite pendant quinze ans. Et ça tombe bien , la confédération des buralistes avait commencé à réclamer le monopole de la vente de cigarette électronique en 2013...
L'assimilation au tabac : la trahison sémantique
Mais le coup le plus vicieux de l'article 23 n'est ni la taxe, ni l'interdiction de la vente en ligne, ni même l'agrément. C'est la redéfinition juridique de la cigarette électronique elle-même. Le texte crée une nouvelle catégorie dans le Code des impositions sur les biens et services : les "produits assimilés aux tabacs manufacturés". En clair, la vape devient légalement du tabac.
Cette manipulation sémantique n'est pas anodine. Elle anéantit quinze ans d'efforts pour établir une distinction claire entre le vapotage et le tabagisme combustible. Pendant des années, les acteurs indépendants, les associations, les scientifiques ont martelé le même message : la vape n'est pas du tabac, elle est un outil de réduction des risques, 95% moins nocive selon le Royal College of Physicians britannique. Des millions de fumeurs ont réussi à arrêter grâce à elle. Et d'un coup de plume législatif, le gouvernement efface cette différence fondamentale.
Les conséquences de cette assimilation sont vertigineuses. Si légalement la vape est du tabac, alors toutes les restrictions applicables au tabac peuvent lui être étendues sans discussion. Interdiction des arômes ? Logique, puisque c'est du tabac. Paquet neutre obligatoire ? Normal, c'est du tabac. Interdiction de vapoter dans les lieux publics ? Évident, c'est du tabac. Le gouvernement ne se contente pas de taxer un produit, il pose les fondations juridiques pour le détruire progressivement, mesure après mesure, sans jamais avoir à rouvrir le débat démocratique.
Et la définition choisie est d'une largesse terrifiante. Un produit est considéré comme "susceptible d'être fumé" s'il "émet un aérosol susceptible d'être inhalé par le consommateur final". Cette formulation technologiquement neutre englobe tous les dispositifs de vapotage actuels et futurs. Peu importe qu'une innovation apparaisse demain avec une technologie différente, elle tombera sous le coup de cette définition. C'est un filet réglementaire sans faille, conçu pour empêcher toute échappatoire.
Sanctions pénales : bienvenue en prison pour avoir vendu un e-liquide
L'article 23 ne se contente pas de taxer et réglementer. Il criminalise. Le nouveau régime de sanctions prévu par l'article L.3515-6-16 du Code de la santé publique instaure des peines pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement pour les commerçants. Vous avez bien lu : un an de prison.
Pour quoi ? Pour avoir vendu un produit sans s'être acquitté correctement de la taxe. Pour avoir maintenu une activité de vente en ligne après l'entrée en vigueur de l'interdiction. Pour du "transport en fraude". Des infractions qui relevaient jusqu'ici du contentieux commercial ou fiscal deviennent des délits pénaux passibles de prison ferme. Et en bonus, la saisie et la confiscation de tout le matériel professionnel.
Imaginez un gérant de boutique qui fait une erreur dans sa déclaration d'accise. Avant, il risquait un redressement fiscal, une amende. Maintenant, il risque la prison et la perte de tous ses moyens de travail. Le message est clair : le gouvernement veut faire peur. Il veut que chaque acteur du secteur comprenne qu'un faux pas peut détruire sa vie, pas seulement son commerce.
Cette criminalisation aura un effet dissuasif massif. Quel entrepreneur va vouloir investir dans un secteur où une simple erreur administrative peut vous conduire derrière les barreaux ? Quel jeune va vouloir reprendre une boutique de vape quand il sait qu'il sera sous la menace constante d'une procédure pénale ? C'est la fin programmée du renouvellement générationnel du secteur. Les petites structures vont fermer les unes après les autres, par peur ou par épuisement.
L'entrepôt fiscal : étrangler la production en amont
Mais l'article 23 ne vise pas seulement la distribution. Il s'attaque aussi à la chaîne d'approvisionnement. L'article L.3513-18-3 impose aux fabricants, importateurs et grossistes d'opérer en "suspension de l'accise" sous le régime de l'entrepôt fiscal agréé. Ce jargon technique cache une contrainte économique redoutable.
Concrètement, les producteurs de e-liquides devront mettre en place des systèmes de suivi et de gestion de stocks ultra-rigoureux conformes aux exigences des douanes, fournir des garanties financières massives sous forme de cautions bancaires pour couvrir le montant de l'accise potentielle sur l'ensemble de leurs stocks, et gérer une comptabilité matière complexe pour tracer chaque millilitre de la fabrication à la livraison. Ce régime, conçu pour l'industrie de l'alcool et du tabac, est totalement inadapté à une filière composée à 85% de PME.
Le coût de mise en conformité est prohibitif. Il faut acheter des logiciels spécialisés, embaucher du personnel qualifié, immobiliser des capitaux considérables pour les garanties financières. Pour une petite structure qui fabrique des e-liquides artisanaux, c'est une barrière infranchissable. Seuls les gros acteurs, ceux qui ont les reins solides financièrement, pourront survivre. Et devinez qui sont les mieux placés pour gérer ce type de contraintes ? Les filiales de l'industrie du tabac, qui opèrent déjà sous ce régime pour leurs autres produits.
Encore une fois, l'article 23 ne fait pas que taxer. Il filtre, il sélectionne, il élimine. C'est un instrument de consolidation forcée du marché au profit des acteurs les plus capitalisés, au détriment des indépendants qui ont fait la vape française.
Article 23 du PLF: Qui gagne, qui perd ?
Prenons un peu de recul. Qui profite réellement de l'article 23 du PLF 2026 ? Certainement pas les 4,3 millions de vapoteurs français qui vont payer plus cher, avoir moins de choix et devoir se fournir dans des lieux qui ne leur offriront ni conseil ni accompagnement. Certainement pas les 20 000 salariés de la filière vape dont les emplois sont directement menacés. Certainement pas les 3500 boutiques spécialisées qui ont investi, formé, conseillé pendant quinze ans et qui se retrouvent sous la menace d'une fermeture administrative. Certainement pas la Sécurité sociale qui va voir son déficit exploser avec le retour au tabac de centaines de milliers de personnes.
Qui gagne, alors ? Les buralistes, qui récupèrent une clientèle captive sans avoir levé le petit doigt. L'industrie du tabac, qui voit un concurrent sérieux se faire décapiter par la loi. L'administration fiscale, qui ajoute une nouvelle ligne de recettes dérisoire à son budget. Et les politiques qui peuvent se targuer d'avoir "agi pour la santé publique" en ignorant totalement les données scientifiques et les réalités économiques.
Comment agir contre la loi vape 2026 ?
Mobilisation citoyenne et professionnelle
La FIVAPE (Fédération Interprofessionnelle de la Vape) mobilise tous ses moyens pour obtenir le retrait de l'article 23.
Actions possibles :
- Signer la pétition nationale "NON à l'article 23"
- Interpeller vos députés locaux et nationaux
- Partager l'information sur les réseaux sociaux (#SauverLaVape)
- Soutenir les professionnels en fréquentant les boutiques indépendantes
- Participer aux futures manifestations organisées par le secteur